La similitude formelle entre le jeu vidéo et le film de cinéma, similitude qui s’accroît de plus en plus, a conduit à penser l’évidence de la transposition du premier vers le second.
Le facteur le plus important fut l’apparition de la 3D : celle-ci a contribué, d’une part, à donner aux développeurs de jeux les moyens de concevoir des séquences, dites cinématiques , dont la mise en scène est riche des mêmes possibilités que n’importe quel anime , et d’autre part, à pouvoir proposer de véritables scénarios.
Il est à noter, cependant, que le jeu vidéo n’a pas attendu la liberté de la 3D pour introduire des séquences scénarisées et non interactives dans son développement ; depuis les premières consoles ces passages ont toujours existé : dans Mario Bros , par exemple, à chaque fin de niveau le plombier moustachu, après avoir vaincu Bowser, croit délivrer la Princesse Champignon qui s’avère n’être qu’un simple citoyen de son Royaume, ce qui le contraint à poursuivre son aventure. Mais ces séquences en 2 dimensions privent les game designers de toute mise en scène : la 3d, et la cinématique donc, ont permis de faire dans ces séquences, dont le but est de favoriser l’immersion et de relancer le jeu, un vrai découpage de cinéma.
La 3D a aussi permis de fondre le développement scénaristique et son interactivité. Les personnages évoluent plus librement, à l’intérieur de maps où leur mouvements ne sont plus cantonnés à gauche-droite / haut-bas, leurs actions plus exclusivement limitées à sauter / frapper ; ils peuvent gérer des listes d’accessoires, se confronter à des personnages dont l’intelligence artificielle est de plus en plus évoluée ; bref, à l’heure des RPG , où l’on peut vivre une aventure écrite avec un vrai scénario, l’adaptation jeu vidéo / cinéma coule tout simplement de source. Pourtant.
Disposant d’une construction scénaristique entièrement basée sur l’interactivité, l’adaptation s’est, finalement, vite avérée délicate. Il faut trouver un objet caché qui permettra d’accéder à une nouvelle pièce, récupérer des munitions ou des kits du survie disséminés sans vraisemblance partout dans le niveau. Les moments les plus prenants, ceux qui nécessitent le plus d’attention du joueur par le challenge qu’ils lui imposent, n’ont bien souvent aucun intérêt dans une transposition cinématographique. Dans la même mesure, les moments forts dans un film, quand les conflits entre les personnages atteignent leur maximum de tension, ne présentent à coup sûr aucun intérêt dans le jeu vidéo. Pour ces raisons, il n’a encore été fait, aujourd’hui, aucune adaptation fidèle de jeu vidéo en film. Final Fantasy , référence du RPG, genre qu’on a reconnu comme étant le plus propice à cette transposition, est, significativement, certainement l’adaptation la moins fidèle à avoir été faite; moins encore que Mortal Kombat ou Street Fighter .
En définitive, et au vu de ce qui a été tourné pour l’instant, un jeu offre à l’adaptation un canevas de personnages et de décors, une ligne pour la direction artistique mais aucune vraie structure dramatique. De ce point de vue, un jeu est à peu près aussi adaptable qu’une peinture et toujours nettement moins qu’un roman.
Si donc les univers du jeu vidéo et du cinéma semblent être faits de la même substance, comme l’huile et l’eau ils ne se diluent pas l’un dans l’autre. La cinématique, ce moment donc où le jeu se stoppe pour lancer une séquence programmée en tout point cinématographique, s’avère précisément être un arrêt du jeu. Elle s’inscrit dans le jeu sans qu’il soit possible d’y prendre part ; interagir à l’intérieur reviendrait à briser sa cohésion dramatique.
Si on leur prête un avenir commun, au point qu’on ne sait plus bien si l’interactivité totale est l’avenir de l’un ou de l’autre, les deux médias audiovisuels répondent, à l’heure actuelle, à des intérêts qui leur sont propres et n’arrivent toujours pas à se rencontrer aussi simplement qu’il n’y paraîtrait.