Les Editions Eres publient un ouvrage collectif sur le thème de « l’adolescente et le cinéma » dirigé par Sébastien Dupont et Hugues Paris.
Dans leur avant-propos, les 2 coordinateurs de l’ouvrage divisent le rapport adolescente / cinéma sous 3 aspects : l’objet (quand elle est actrice ) l’usager ( quand elle est consommatrice ) et le sujet ( quand elle est mise en scène ).
De ce dernier point, un chapitre est consacré (La Belle et la Bête : Smart Girl et féminité dans les teen movies par Célia Sauvage ) où l’auteure nous montre que l’intelligence féminine est souvent perçue comme une menace, et s’accompagne d’agressivité. Si elle n’est pas belle – cas le plus fréquent parce que le cinéma fonctionne encore énormément sur l’opposition physique / intelligence – elle sera rejetée par ses camarades et / ou les rejettera elle-même, si elle est belle, elle sera manipulatrice voire carrément homicide. De fait, le relooking occupe une place importante dans ce cinéma ; l’ado en modifiant son apparence modifie aussi sa psychologie. En se féminisant les héroïnes adolescentes renoncent à leur hostilité.
- Scarlett Joahnsson et Thora Birch dans Ghost World ( Terry Zwigoff, 2001 )
On regrette que l’étude ne s’attarde pas un peu plus sur les films de chevets des adolescentes mais c’est sans doute que celles-ci sont moins ciblées que leur contrepartie masculine pour qui beaucoup de films sont tournés. Une section est cependant consacrée aux films cultes, de Kill Bill, étrangement, à Twilight, film qui a véritablement ouvert une brèche, en passant par les incontournables films de danse type Dirty Dancing ou les plus récents Sexy Dance. « L’ adolescente » reste cependant peu ciblée malgré le succès considérable de films comme Titanic ou Twilight qui prouvent pourtant bien l’importance de ce public.
De la célèbre expression de Freud « la vie sexuelle de la femme adulte est encore un continent noir pour la psychologie », les auteurs s’appuient à souligner l’extrême trouble de la puberté ; trouble pour elle-même et trouble pour les autres. Sur ce 2nd point, une partie très importante de l’ouvrage est consacré au regard ambivalent des adultes sur les ados. Dupont et Paris font ressortir que la femme adulte devient une femme-enfant prolongeant aussi loin qu’elle le peut une apparence juvénile, phénomène qui semble-t-il remonte à l’après-guerre. Dans le même temps, les très jeunes ados se parent comme des femmes devenant, elles, des enfants-femmes. De ce double phénomène, femme-enfant et enfant-femme, est tiré un chapitre glaçant sur les modes de représentation de la pornographie ( « juvénilisation des femmes et adultisation des filles » par Richard Poulin.)
- Kirsten Dunst dans The Virgin Suicides ( Sofia Coppola, 1999 )
Pour ce qui concerne le trouble vécu de la puberté, l’étude évoque The Virgin Suicides ( l’Accès à La Sexualité Adulte, Marion Hazza ) film qui nimbe l’adolescence féminine de sacrée et de mythologie, ou encore Carrie et La Nuit des Masques, films dont on sait combien ils se sont construits sur la terreur de la sexualité naissante ( Figures Cinématographiques de l’Adolescente Hantée, Renaud Evrard, Figures de l’Adolescente dans Les Films d’Horreur, Brice Courty )
On aurait aimé que l’étude consacre un peu plus de pages sur les représentations-types de l’adolescente, à Hollywood et ailleurs, et montre dans quelle mesure la vie impacte le cinéma et le cinéma, en retour, impacte la vie. C’est que cette étude, écrite sous l’angle de la psychanalyse, s’appuie à montrer comment le cinéma parvient à cerner l’adolescence féminine avant tout, plutôt qu’elle ne cherche à dénoncer ses stéréotypes.
Titre : L’Adolescente et le Cinéma
Editions Eres, 28 €