John Truby est un Script Doctor convoité par les plus grandes sociétés de production américaines, un consultant auquel on fait appel pour soigner des scénarios malades. Au cœur de l’activité scénaristique, expert de la structure du récit, son activité consiste à donner force et amplitude aux personnages, à créer des réseaux de relations intelligibles, à travailler les intrigues et les univers dans lesquels se meutun personnage. Il est à Paris du 4 au 6 février 2009, pour animer une Master Class de trois jours sur l’anatomie du scénario.
Vous avez fait des études de philosophie, de quelle manière cet apprentissage a-t-il influencé votre réflexion sur la structure du scénario ?
En effet, j’ai étudié la philosophie, et notamment Aristote, Nietzsche et l’existentialisme. Je m’intéressais à la manière dont on construit les histoires, et je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas de livre portant sur la conception du scénario. A cette époque, je regardais beaucoup de films, j’ai dû voir environ deux films par jour pendant deux ou trois ans. Les questions que je me posais portaient sur la structure des bons films, et à l’inverse sur ce qui manquait aux autres. A partir de ce travail, j’ai été à même d’identifier des modèles qui m’ont permis de différencier les scénarios qui fonctionnaient de ceux qui ne fonctionnaient pas, et d’en tirer les enseignements qui permettraient de construire de bonnes histoires.
Vous exercez une activité de Script Doctor, pourriez-vous définir en quoi elle consiste ?
Je suis engagé par des producteurs et des sociétés de production sur des scénarios qui ont déjà été financés, mais qui ne leur conviennent pas. Ils font appel à moi avant le tournage, en me soumettant des scénarios qui ont des problèmes, et mon travail consiste à leur apporter des solutions en jouant sur la structure même du script, c’est-à-dire sur le personnage lui-même, ses relations aux autres personnages et à son environnement. L’objectif est de proposer un nouveau scénario qui fasse davantage sens, qui soit à même de produire une bonne histoire.
Quelles sont les principales erreurs que vous percevez habituellement ?
En général, lorsque des producteurs font appel à moi, ils ont du mal à percevoir le problème, ils me disent souvent que les personnages sont plats, ou encore qu’ils ne sont pas assez drôles. Mon activité consiste à regarder les choses en profondeur, à étudier les chaînes de connexion, les réseaux relationnels entre les personnages, la logique des différents évènements auxquels un personnage peut être confronté, et d’identifier les pièces manquantes. Souvent, le problème vient des personnages eux-mêmes, ils n’ont pas de problèmes, pas de buts, aucune faiblesse, ils rencontrent des difficultés qui n’ont rien à voir avec leurs personnalités, quelquefois même, il n’y a aucun rapport entre l’intrigue et le personnage lui-même.
Vous venez à Paris diriger une Master Class de trois jours sur l’écriture scénaristique, qu’allez-vous aborder durant ce séminaire ?
Ce sera un séminaire très intensif, ayant pour but de donner des techniques professionnelles à ceux qui écrivent des scénarios et qui estiment qu’ils ont besoin d’entraînement, que leur script n’est pas assez élaboré, trop simple, trop élémentaire. Mon séminaire va aborder des problématiques ayant attrait à la structure, aux personnages, aux thématiques abordées, à l’intrigue, à l’univers dans lequel se déploie le personnage ainsi qu’aux dialogues. Il sera question de films, mais aussi de séries TV. Mon objectif est de guider le scénariste à travers tout le processus de construction du récit, en lui donnant les meilleures techniques pour écrire un bon script.
Quels sont les films dont vous avez récemment apprécié le scénario ?
Slumdog Millionaire, par exemple est pourvu d’un très bon scénario. Aux Etats-unis, nous avons de très bonnes séries, je pense par exemple à The Wire, ou encore The Sopranos, où il est question de gangsters. J’ai récemment vu un très bon film français, Il y a longtemps que je t’aime, de Philippe Claudel avec Kristin Scott Thomas.
Avez-vous des projets en cours avec des producteurs ou des scénaristes en France ?
Pas en ce moment, mais il y a de nombreux réalisateurs et scénaristes qui ont suivi mes séminaires, mon objectif est de créer un langage commun, de leur apprendre des techniques pour qu’ils puissent travailler ensemble. Il y a aujourd’hui un nouvel élément à prendre en compte, il s’agit du développement des fictions sur Internet. Le nombre de ces fictions est en train de croître, et ce que j’enseigne au sujet des techniques scénaristiques est tout aussi opérationnel pour des fictions qui apparaîtront sur le web. Sur Internet, bien sûr, le temps du récit est plus court, il s’agit souvent de fiction de cinq minutes, et les coûts sont moins importants, mais malgré cela vous avez toujours besoin de raconter une bonne histoire.