Critique
The Revenant c’est un de ces récits de trappeur du Grand Nord, où l’homme se perd dans la bête, où la survie s’impose comme seule loi de l’existence. Ca n’est pas seulement la survie héroïque du personnage de Di Caprio, c’est aussi celle, ténébreuse et clandestine, du personnage de Tom Hardy. 2 sortes de revenants se donnent la chasse.
C’est sauvage dans toutes les acceptions du terme, c’est-à-dire que la civilisation n’a érodé ni le roc ni les mœurs. Le vent est l’haleine de la montagne, les hommes en soufflent le givre ; tout ça n’est qu’un.
De la mise en scène, on a pu lire ça et là, qu’elle était grandiloquente, emphatique, et autres noms d’oiseaux. Il y a de quoi être étonné. Parle-t-on de la mise en scène ou des paysages ? Est-ce que, décemment, on reproche à la montagne d’être prétentieuse ? Aux arbres d’être trop hauts ? Iñárritu filme des paysages dont on excusera le manque d’humilité. Pour le reste, la mise en scène proprement dite, si elle semble avoir frappé quelques esprits critiques c’est parce qu’elle existe réellement ; fait, certes, moins fréquent qu’il n’y parait.
On avait entendu les mêmes reproches à la sortie de Sicario l’année dernière. Mise en scène appuyée, bruyante… Plus personne ne semble voir que là où la mise en scène est boursoufflée, c’est dans toutes ces productions où tout, des dialogues, à l’image à la musique, par effet de surenchère, est employé à véhiculer l’idée la moins équivoque possible. Où il n’y a nulle contrepoint, nulle part à l’interprétation, au ressenti. C’est comme si on était tenu par la main tout au long du film. Il y a invisibilisation dans la redondance. Et voilà que là où il y a un peu d’air, quand une image n’est pas pleinement, et à ras bord, investie de sens, on entend les habitués du confort cinématographique crier au maniérisme.
Relever l’emploi récurrent de plans-séquences, de courtes focales, ou de cadrages en contre-plongée, ne serait qu’un procès en bout goût sans plus d’intérêt, là aussi. Est-ce plus convenable de poser la caméra ici ou là ? Personnellement, ça n’est pas ma préoccupation. L’essentiel tient à ce qu’il ressort de ce récit de vengeance.
La survie pour la vengeance, c’est un élan de vie focalisé à une fin morbide. C’est la mort qui empiète sur la vie, devance son heure. Une énergie qui tend à son propre engloutissement. Se déploient 2 figures à mesure que le récit progresse, l’une modelée par la nature qui y imprègne ses crocs, l’autre, fugace, de crime et d’ombres, qui prend la fuite.
Il y a comme une déshumanisation par balayages successifs, dont le but est de savoir ce qu’il reste tout à la fin.
Un vrai film de cinéma.