Sam Raimi respecte les codes du genre (mais a-t-il le choix ?) en prenant pour héros un jeune homme anonyme, étudiant, en proie à un amour inassouvi. Il y a aussi une petite touche d’humour qui n’est pas de trop, permettant d’oublier les quelques longueurs et les tirades plus ou moins moralistes. Le Spider-Man de Sam Raimi n’est pas si éloigné que cela du Batman (1989) de Tim Burton, une référence du genre, tant pour les performances des acteurs que pour l’originalité du traitement scénaristique.

Venons-en au numéro 3 de Spider-Man, ou Spidey pour les intimes. Que s’est-il passé entre le premier et celui-ci ? Spider-Man a vieilli, bien sûr, mais il n’a jamais accepté le décès de son oncle dont il se sent coupable, mort qui s’est produite durant le premier opus… Il a soif de vengeance… Un homme, de surcroît un superhéros, modèle pour beaucoup (c’est dit et répété tout le long du film, notamment par les passants), a-t-il le droit de se venger et par là même de tuer ?

Le premier thème que l’on peut dégager de ce film est la vengeance, celle-ci est le mal, puisqu’elle amène la mort, la destruction, la souffrance, et ce quels que soient les moyens utilisés, la violence, l’exhibition (Pete Parker s’exhibe aux bras d’une belle jeune femme devant son “ex”) ou quelques mots crachés au visage de l’autre (quand il dit à Harry que son propre père n’avait que mépris pour lui).

Deuxième thème le choix entre… le mal (la vengeance) et le bien (le pardon). Nous retrouvons tout ce qu’aiment certains, la simplicité du manichéisme. La bonté ou la méchanceté, mais il est impossible d’être entre les deux. Soit Spider-Man enfile son costume rouge et bleu, il est alors bon, serviable respectueux de la vie humaine ; soit il enfile son costume noir et il devient un être abject, méchant, empli de haine. Sommes-nous vraiment ainsi ?

D’où vient cette notion de bien et de mal ? De la morale… Thème dangereux qui est l’objet de dérives et d’interprétations parfois extrémistes. La morale souvent dictée dans les pays occidentaux par les valeurs de la chrétienté. Mais doit-elle guider nos faits et gestes ou est-ce le “rôle” de la justice, de la tolérance et de l’écoute naturelles de l’autre ? Cette morale n’est-elle pas un refuge évitant à ceux qui la brandissent de douter ? Spider-Man est donc passé du doute à la morale, il s’y réfugie parce qu’il est persuadé qu’il est un homme bon. Qu’est-ce qu’un homme bon ? Trop vouloir faire le bien n’est-ce pas tout aussi dangereux que de ne jamais le faire ?

Sur quelle moralité doivent reposer nos sociétés ? Celle issue de la religion, quelle qu’elle soit… ou celle issue de la loi ? Mais la loi est-elle une morale ? Que suit Spider-Man ? La morale chrétienne qui, nous le savons, est très fortement ancrée dans la vie des Américains du Nord, ou la loi imposée par cette même société ?

Spider-Man subit également l’influence de son oncle et de sa tante, armés de sagesse. En philosophie, nous pourrions les classer dans la catégorie des “grands hommes”, c’est-à-dire ceux qui savent grâce à leur expérience, détenant ainsi une part de vérité leur permettant d’enseigner aux plus jeunes.

Ce héros est nécessairement du côté du bien a priori, sous le faisceau de la morale, de la loi et de l’expérience des anciens conjuguées, en dépit de ses aspirations au mal, comme tout un chacun, sauf lorsqu’une force extraterrestre amplifie son côté obscur (thème déjà vu dans la saga de La Guerre des Etoiles ou dans Aliens). Ainsi le mal que nous aurions tous en nous serait susceptible d’être amplifié au contact d’une force extérieure.

Bien sûr que nous avons le choix, le choix entre le bien et le mal, mais il est bien plus facile d’être mauvais que d’être bon. Le bon, à l’image positive, traîne également celle d’un faible, tandis que le mauvais est aussi le dur, le fort… comme s’il était interdit à un homme de pleurer…

En dépit d’un travail énorme d’effets spéciaux (le film a coûté 250 millions de dollars), aucune prise de vue ni aucun mouvement de caméra ne devraient rester dans les mémoires comme des moments forts du cinéma d’aujourd’hui. Spider-Man 3 est d’un grand classicisme, tant du point de vue technique que scénaristique (l’arrivée d’autres superhéros à la fin, dans une surenchère, est plus ridicule que crédible – si crédibilité il y a dans ce genre de film –, amour contrarié, des méchants vraiment méchants, des blondes… blondes, des personnes âgées pleines de sagesse…), d’autant plus que Sam Raimi a un discours (il en est le coscénariste) teinté de ce moralisme qui imprègne d’une manière générale la société occidentale.

En espérant que Spider-Man restera ce superhéros faisant rêver les lecteurs et les spectateurs, loin de toutes ces digressions sur la morale, car il est vrai que l’on peut voir ce film sans se poser de questions.

Spider-Man 3
Réalisation : Sam Raimi
Scénario : Alvin Sargent, Sam Raimi, Ivan Raimi d’après l’oeuvre de Stan Lee
Musique : Christopher Young, Danny Elfman, ainsi que Yeah Yeah Yeahs, The Killers, Snow Patrol…
Interprétation : Tobey Maguire, Kirsten Dunst, James Franco
Durée : 2 h 19
Pays : Etats Unis
Année de production : 2007
Date de sortie en France :
Distribution : Gaumont Columbia Tristar Films