Eh oui, contre toute attente l’adaptation du roman noir de Cormac McCarty par les frères Cohen est un peu décevant. Exigeant, difficile, trop fine bouche, me direz-vous… peut-être mais pas que…

En vérité, No Country for Old Men est loin d’être un mauvais film. Ceci n’est pas un scoop : les frères Cohen ne savent pas faire de mauvais films. Leur filmographie est l’une des plus brillantes qu’il soit et abrite quelques joyaux du cinéma actuel : citons très arbitrairement The Big LebowskiFargo ou Barton Fink pour s’en persuader. Là n’est pas le problème. Non, le problème était plutôt de savoir à quoi allait ressembler ce qui, à ce jour, est leur première adaptation littéraire. Un projet idéal pour les cinéastes tant l’œuvre de McCarty semblait taillée pour eux. Une intrigue noire, des personnages spirituels et lunaires dans la lignée de l’élégant cow-boy de The Big Lebowski, un cadre confidentiel (le désert texan et les petites bourgades de la frontière mexico-américaine). Ajoutez à cela le style ultra descriptif de McCarty, à la lisière du scénario.

Tout dans ce livre ne pouvait qu’inspirer les Cohen et leur donner envie de filmer cette histoire, noire, cynique et profonde. Le résultat est une adaptation formelle pure jusque dans les moindres détails. Une mise en image des pages de McCarty, qui est resté en marge du projet. Le film reste ainsi extrêmement fidèle au roman, mais cette fidélité n’est restituée que globalement. Dés les premiers plans, on retrouve les mêmes images que l’on s’était projeté mentalement lors de la lecture du roman. Mais au sortir du film on ressent un sentiment d’inachevé. Le discours si attachant du roman se dilue sur la pellicule. Si le film débute et s’achève en compagnie du shérif Bell (Tommy Lee Jones), le script le met bizarrement en retrait tout au long du film alors qu’il était l’âme du roman. La caméra s’arrête davantage sur l’intrigue et l’action qui en découle. Elle semble plus préoccupée à restituer le cynisme et l’humour décalé du roman que les digressions du shérif Bell, qui dans le livre donnait toute sa force d’extrapolation à un argument de film noir basique (un homme découvre par hasard et dérobe le magot issu d’un trafic de drogue ayant mal tourné et s’engage dans une cavale face à un tueur à gages). Au final, le gros reproche que l’on peut faire au film est d’avoir cherché à rester fidèle au maximum au matériau initial en négligeant ce qui en faisait, au-delà d’un roman noir, une œuvre profondément réflexive sur la condition morale de l’Amérique.

Reste un film noir efficace et saignant, un Javier Bardem complètement barré et malgré tout une des premières grandes sensations ciné de ce début d’année.No Country for Old Men
Réalisation : Joel Coen, Ethan Coen
Scénario : Joel Coen, Ethan Coen d’après l’oeuvre de Cormac McCarthy
Photographie : Roger Deakins
Musique : Carter Burwell
Interprétation : Tommy Lee Jones, Javier Bardem, Josh Brolin
Pays : Etats Unis
Genre : Thriller, Drame
Durée : 2h 2min
Année de production : 2007
Date de sortie en France: 23 Janvier 2008
Interdit aux moins de 12 ans
Distribution : Paramount Pictures France