Les Infiltrés est une très bonne copie d’Infernal Affairs, voire une trop bonne copie. Martin Scorcese maîtrise parfaitement son film, sans jamais ou presque lasser le public.

Cependant le film s’attarde un peu trop à présenter les personnages, à les placer dans un contexte culturel et historique, celui des Irlandais de Boston, là où les Hong-Kongais n’y passent que cinq minutes, celles du générique. Martin Scorcese s’enlise dans une présentation lourde et inutile. Puis perd le spectateur dans une série de situations à la limite du cliché, comme le chef des mafieux indic du FBI, ou les deux personnages principaux amoureux de la même femme. Quel intérêt ?

Que pouvait apporter le réalisateur des décevants Aviator ou Gang of New York, si ce n’est l’espoir d’un film qui aurait la force d’un Casino ou d’un Taxi Driver. Malheureusement, Scorcese n’est plus à la hauteur de sa réputation d’antan, mais essaie tant bien que mal de tenir celle d’aujourd’hui, c’est-à-dire d’un très bon professionnel ayant perdu dans le succès son génie sans jamais le retrouver.

Le talent ne tient pas uniquement dans des courses poursuites, trop longues, ni par un jeu impeccable des acteurs, qui auraient pour certains mérités d’être davantage dirigés, notamment l’assistant du capitaine, joué par Mark Wahlberg, dont la vulgarité manquait de crédibilité, et c’est bien cela la limite de ce film, une fadeur du début à la fin. Seul Jack Nicolson est presque parfait, même si sa prestation est proche de celle du Batman de Tim Burton. Aucune valeur ajoutée par rapport à Infernal Affairs, lui-même non exempt de défauts, mais dont l’histoire, plus condensée, oblige à davantage de subtilité.

Quel intérêt de reprendre chaque scène du film original, jusqu’aux dialogues ? Quelle déception de voir un Matt Damon sans charisme, un Martin Sheene qui, lui, semble l’avoir perdu, et un Di Caprio faisant son possible pour donner de la crédibilité à un personnage paumé. Pourquoi avoir réduit l’infiltration de dix à un an ? Pourquoi ne pas avoir repris l’idée ingénieuse de la communication par morse entre l’infiltré et le commissaire, et la remplacer par de banals textos ? Pourquoi avoir fait de deux femmes, l’écrivain et la psy, une seule, même si elle en devient plus intéressante, un personnage avec une vraie profondeur, mais au prix de situations ambiguës qui n’apportent rien au récit ? Pourquoi le commissaire perd-il en consistance, rôle magnifiquement tenu par Anthony Wong dans Infernal Affairs, fade dans Les Infiltrés ? Pourquoi faire mourir tous les affreux, quelle est cette morale ?

Que de questions auxquelles il est difficile de répondre.

Malgré tout, Les Infiltrés est en soi un bon film de divertissement, copie honorable d’un film imparfait mais juste.

Les Infiltrés
Titre original : The Departed
Réalisation : Martin Scorsese
Interprétation : Leonardo DiCaprio, Matt Damon, Jack Nicholson, Martin Sheene, Alec Baldwin, Mark Wahlberg
Scénario : William Monahan d’après Alan Mak et Andrew Lau
Musique : Howard Shore ; The Rolling Stone ; Dropkick Murphys ; Van Morrison, Roger Waters et The Band ; Nas ; The Beach Boy ; The Human Beinz ; Allman Brothers Band ; Roy Buchanan ; Joe Cuba ; LaVern Baker ; Badfinger
Remake de Infernal affairs
Pays : Etats Unis
Genre : Policier
Durée : 2h 30min
Année de production : 2006
Date de sortie : 29 Novembre 2006
Distribution : TFM Distribution