Suite au décès tragique d’un informateur, Ricardo Tubbs et Sonny Crockett infiltrent un dangereux réseau de trafiquants de drogue internationaux liés à cet accident. Michael Mann s’est d’abord appuyé sur une trame classique, sans grosses surprises certes mais solide, qui propose un récit chronologique dénué de flash-back ou d’effets narratifs incongrus. L’intérêt est ailleurs que dans l’histoire.

Créée en 1984, la série Deux flics à Miami avait posé les bases d’un genre prolifique au cinéma, le buddy movie, dont L’Arme fatale deviendra le parfait archétype. Comme dans Collatéral et bien sûr Heat, le scénariste Mann compose son film autour d’un duo central, qui présente néanmoins la particularité d’être solidaire, et non antagoniste comme dans ses précédentes œuvres. Ce type de relation est sûrement beaucoup moins fertile en terme de narration, et il tire profit du matériel en or que constitue la série pour éluder la présentation classique des personnages, déjà réalisée dans celle-ci, et des rapports qu’ils nouent entre eux.
Par ailleurs, Deux flics à Miami, s’il comporte moins de résonances politiques que Révélations ou Ali, montre des îles des Caraïbes gangrenées par l’argent des stupéfiants. Servant souvent de plaque tournante dans une économie globale de la drogue, elles représentent des destinations intermédiaires entre les pays d’origine de la matière première et ceux d’approvisionnement du produit fini, des nations très riches forcément, comme les Etats-Unis. Et, évidemment, Miami est un des ports d’entrée privilégiés de ces transactions.

L’intérêt principal du film réside d’abord dans la mise en scène. La série collait parfaitement à son époque ; Michael Mann, abandonnant l’imagerie kitch et désuète qui lui est associée, en a repris le meilleur, en ancrant profondément, cette fois-ci dans les années 2000, l’identité visuelle de son œuvre. A ce niveau-là, il continue sur la voie de Collateral, en faisant de Deux flics à Miami un film quasiment crépusculaire, donc éminemment sensuel. Le marquant de son empreinte, la nuit se mue en un personnage à part entière.
Pour créer l’atmosphère si particulière de son œuvre, le réalisateur joue sur une variété de teintes sombres d’une grande complexité, éloignée d’un classique clair-obscur, trop théâtral. Comme dans Collateral, le grain marqué contribue à cette identité visuelle unique. Paradoxalement a priori, alors qu’il a choisi un format scope, il filme de très près, sans que cela vire au dispositif, les visages, les corps, en particulier lors de scènes de douche qui n’ont rien à envier à la Jane Campion de In the cut, renforçant cette sensation éminemment tactile qui ressort de Deux flics à Miami. A l’inverse, lors des scènes en voiture ou en hors-bord, Mann réalisateur cadre en plan large, donnant ainsi une cohérence visuelle totale à son œuvre. A la sensualité de la mise en image répond celle de l’ambiance sonore. La bande-son très moderne, entraînante comme pouvait l’être celle de la série à son époque, étonnamment mixée et montée pour apporter un rythme haletant, amène le spectateur dans l’univers de Miami Vice dès le commencement, avec la mélodie de Linkin Park.

Le tour de force de Michael Mann réside dans sa faculté à allier cette sensualité à un rythme d’action soutenu, nerveux même la plupart du temps. Les choix de Colin Farell et Jamie Foxx, deux acteurs physiques, pour incarner Sonny et Rico, s’avèrent ainsi des plus judicieux. Dans la lignée de CollateralDeux flics à Miami file à 200 à l’heure, gonflé par moments d’une testostérone disséminée avec parcimonie. Même dans ces instants-là, Michael Mann en profite encore pour proposer quelque chose de nouveau. Lors de la scène de flingage finale, il emprunte directement au jeu vidéo, au genre du FPS (First Personnal Shooter) en filmant de très près, du point de vue des protagonistes, pour un résultat totalement bluffant qui a de quoi étonner les joueurs de Call of Duty les plus aguerris.

Très grand public, spectaculaire à l’extrême et, en même temps, excessivement personnel et totalement nouveau dans sa mise en scène, Deux flics de Miami est à l’image des œuvres de son metteur en scène, un paradoxe vivant dans le paysage toujours plus aseptisé de Hollywood. Ce film est d’autant plus essentiel qu’il s’inscrit comme le prolongement de la création d’un modèle de production-réalisation se fondant sur un langage neuf et capable d’utiliser les contraintes économiques à son avantage.

Deux flics à Miami
Titre original : Miami Vice
Réalisation : Michael Mann
Scénario  : Michael Mann inspiré de la série Deux flics à Miami
Interprétation : Colin Farrell, Jamie Foxx, Gong Li
Pays : Etats Unis
Genre : Policier
Durée : 2h 15min
Année de production : 2005
Date de sortie en France : 16 Août 2006
Distribué par United International Pictures (UIP)