D’abord, il y a la forme : un film très caractéristique de l’identité de son réalisateur. Quelque chose de nouveau et de décalé mais qui n’est pas sans laisser échapper des références à une caméra de la Nouvelle Vague. Dans Paris débute dans un jeu de regards entre Louis Garrel et le spectateur. En véritable séducteur, il ferait presque oublier l’écran. Mais le voilà en train de nous annoncer sa place dans l’histoire qui va suivre et même un peu sa vie, en tout cas ses pensées. Une scène d’une drôlerie intéressante qui révèle des facettes jusqu’ici cachée de ce talentueux comédien. Cet acteur au physique déjà bien truffaldien annonce que l’histoire qui va venir sera “horriblement personnelle”, en plein cœur des slogans rabâchés par la Nouvelle Vague…

Le film tourne sur lui-même, les scènes s’entrechoquent et l’ordre est inexistant. On met du temps à saisir le fil mais le rythme empêche toute réflexion. La caméra de Christophe Honoré se faufile dans des positions malicieuses donnant lieu à des plans magnifiques de sincérité. Comme dans Dix-sept fois Cécile Cassard ou Ma mère, l’absolue émotion des comédiens est stupéfiante. D’autant plus que le réalisateur s’est entouré de ses “favoris”, déjà rencontrés dans ses précédents films : Romain Duris campait l’ami homosexuel et déjanté de Beatrice Dalle alias Cécile Cassard, tandis que Louis Garrel donnait la réplique à une Isabelle Huppert poignante dans Ma mère. Cela ressemble à un film de la Nouvelle Vague qui pourrait très bien être tourné en DV. Mais c’est du Christophe Honoré dans toute sa splendeur.

Ensuite il y a l’histoire, celle que nous présente le malicieux et volubile Jonathan joué par Louis Garrel. Une histoire dont on ne comprend les tenants et les aboutissants qu’au fil des scènes. Trois hommes déambulent dans cet appartement modeste qui surplombe Paris. Paul, qui est interprété par Romain Duris, affiche un état sombre et torturé qui semble provenir d’une déception amoureuse. Son jeune frère Jonathan manie ses plus beaux sourires et sa malice pour tenter de le réveiller à la vie et se lance dans un pari qui le fera traverser la capitale au pas de course. Le père, magnifiquement interprété par Guy Marchand, touchant à souhait, tente vainement d’aider son fils en pleine dépression. Le tout donne un film d’une rare justesse qui dessine une filiation émouvante et forte. Le scénario poignant donne lieu à des scènes d’une subtilité infinie et d’une émotion étonnante. On touche au plus près l’amour filial dans sa force et ses silences remplis. Le drame laisse place au burlesque qui est magnifiquement géré par le jeune Louis Garrel, habitué d’ordinaire à des rôles de garçon sombre et renfermé. On entre dans ce film simple et intimiste, pris par ce dosage impeccable de drôlerie et d’émotion.

Un film comme on aimerait en voir plus souvent dans le paysage cinématographique français, de ceux qu’on garde dans un coin de l’âme avec tendresse.

Dans Paris
Réalisation : Christophe Honoré
Scénario : Christophe Honoré
Interprétation : Romain Duris, Louis Garrel, Joana Preiss
Pays : France
Genre : Comédie dramatique
Durée : 1h 32min
Année de production : 2006
Date de sortie en France : 04 Octobre 2006
Distribué par Gémini Films